La formule préférée du professeur

La formule préférée du professeur, Yoko Ogawa – Babel

En ouvrant ce livre, prêté par une amie, je fus stupéfaite par le sujet abordé. Pensez donc : un vieux mathématicien, pas vraiment commode, vit dans un pavillon au fond d’un jardin, relégué par sa belle sœur.

Son « petit beau frère », grand mathématicien, .suite à un accident de la route a perdu la mémoire. Chaque jour, cependant, et pendant quatre-vingt minutes, il peut renouer avec le réel de la vie.

Une aide ménagère est assignée à son service. Elle va découvrir l’homme, sa délicatesse, son élégance d’esprit, son émerveillement face à la magie des nombres.  Conquise, elle va tenter de comprendre, puis totalement séduite, elle aura avec le professeur de merveilleux échanges.

Mais lorsque le vieil homme apprend que la jeune femme a un fils qui reste seul à la maison à la sortie de l’école et ce jusqu’à ce qu’elle rentre du travail, il exige que l’enfant les rejoigne. Et, Root, l’enfant’ investit à son tour la beauté subtile du raisonnement :

"- C'est vrai... Mais avec les grands nombres... Il arrive qu'on se perde dans une zone désertique... On a beau avancer, on n'aperçoit pas l'ombre d'un nombre premier. C'est une mer de sable à perte de vue...

On croit apercevoir un nombre premier, on se précipite mais ce n'était qu'un mirage...

Jusqu'à ce qu'on aperçoive, au delà de l'horizon, remplie d'eau pure, l'oasis des nombres premiers."
Pages 89-90

Sans doute, chaque jour, il faut réapprendre à se reconnaître, mais, le sentiment de respect et d’admiration de la mère et de l’enfant sublime la douleur de la situation.

Hommage, donc, à la beauté des mathématiques mais aussi hommage au ciment qui unit trois générations, un ciment  qui  fait lien entre la transmission, le respect et l’affection.

C’est profond, alerte, C’est un hymne à la vie,  à la musicalité des nombres, à la poésie qui s’en dégage.

L’écriture est superbe –il faut remercier la traductrice. Tout est dit par petites touches, y compris l’évocation de la chute d’une feuille, de l’orage, de la chaleur étouffante de l’été, d’une étoile dans le ciel.

Comme les nombres sont infinis, ils doivent donner naissance à autant de nombres premiers qu'on veut...

Vous l’aurez compris, j’ai vraiment aimé ce roman. Beaucoup d’émotion, une découverte.

Niurka Règle