Désolations

 

Désolations, David Vann, Gallmeister

« J’avais dix ans, j’avançais seule, j’avançais à travers les amas de neige, j’avançais jusqu’à notre porche étroit. Je ne me souviens pas du cours exact de mes pensées en cet instant, je ne me rappelle pas qui j’étais ni ce que je ressentais. Tout ce la a disparu, effacé. J’ai ouvert notre porte d’entrée et j’ai trouvé ma mère pendue au chevron ».

Irène, la petite fille du début du livre est à présent une femme à la retraite. Mariée à Gary, ils ont deux enfants, Rhoda et Mark qui vivent à présent en dehors du foyer. Leur vie s’est déroulée en Alaska, au bord de Skilak, un lac glaciaire balayé par le vent. Gary a acheté un terrain sur Caribou Island, un îlot sauvage et rude au paysage primitif et ténébreux. C’est que Gary a décidé de construire une cabane pour y vivre, renouant, ainsi, avec la vie de pionnier.

C’est dans le contexte de ce rêve fou que se joue la confrontation des époux dans la conscience du ratage abyssal de leur vie.  Gary s’acharne à construire sous les éléments déchainés, Irène l’aidant malgré une douleur à la tête qui n’exprime rien d’autre  que son refus de vivre là, loin de tout, dans le dénuement total. Mais Gary ne l’entend pas ainsi et Irène le suivra jusqu’à la déflagration finale.

Au sein d’une nature tellurique dominée par la découpe sombre des montagnes, l’acharnement du couple à manier les rondins pour construire une cabane chimérique est la marque du sceau de l’impossible rédemption.

En contrepoint, la description des lieux dans l’évocation d’une nature restée primitive, effrayante et éblouissante tout à la fois accompagne la plongée inexorable du couple.

Le récit est tout simplement magnifique et le lecteur suit du début à la fin une narration continuellement sous tension à l’instar des sentiments éprouvés par les protagonistes.

Une écriture précise, tranchante analyse au scalpel la violence du sentiment tragique d’abandon et de folie  qui va en crescendo jusqu’au dénouement final.

De nombreux lecteurs l’ont exprimé : on ne sort pas indemne de la lecture de ce roman. Et on s’interroge longuement une fois le livre refermé.

Niurka Règle