Un notaire peu ordinaire
Un notaire peu ordinaire, Yves Ravey, Editions de Minuit Mdouble
On feuillette l’album de famille et lorsqu’ relève la tête, une autre réalité vous saute dessus.
Il y a dans ce court récit un art de la narration totalement éblouissant ; précision, concision où le langage tend ses justes repères dans une mise sous tension immédiate. Le lecteur quant à lui est littéralement subjugué par ce récit qui plante son décor dans un huis clos élargi à une toute pette ville de province avec ses nouvelles villas, son église, son collège, sa maison de retraite, son cimetière, son café et la maison du notable qui n’est autre que celle du notaire.
Madame veuve Renernak élève ses deux adolescents comme une mère poule ses poussins. Femme de service dans le collège, elle assure les études de ses enfants avec une obstination généreuse et exigeante.
Un jour, Freddy, le cousin violeur d’une petite fille est libéré. Madame Rebernak est chamboulée que sa fille, Clémence est mise en danger. Clémence, elle, vit son adolescence avec insouciance : entre étude, copains, copines, sorties le week-end, baignades au bord de l’eau…
La mère, elle, surveille Freddy mais aussi sa fille. On la voit, juchée sur sa motocyclette parcourir les lieux. Clémence vient de rompre avec son ami Paul, fils du notaire Montoussaint. C’est l’anniversaire de ce dernier et elle décide de ne pas s’y rendre. A partir de là la perception des événements change sa focalisation. Clémence n’est pas rentrée. En pleine nuit, elle se rend chez le notaire, celui qui a su toujours l’aider. Non, il n’a pas vu sa fille.
Une dramaturgie sobre et forte à la fois où chaque mot compte. Les très courts chapitres rythment le récit en ravivant la tension. Le narrateur, curieusement le fils, s’en tient aux faits.
Le roman qui navigue avec aisance entre, roman social et tragédie tient le lecteur captif jusqu’au dénouement qui se clôt avec la brutalité digne de la Tragédie.
Il faut saluer la manière sobre et elliptique qu’a Yves Ravey de mettre en évidence le jeu social.
Et puis, l’auteur laisse le lecteur combler les vides ou ce qui peut apparaître comme tels : Le père a-t-il été vraiment victime d’un accident de chasse ? Pourquoi Freddy rôde-t-il autour du lycée et sur les lieux que fréquente Clémence alors qu’il se sait surveillé ? Et ce maître Montussaint pourquoi se propose-t-il de toujours raccompagner les jeunes filles dans sa belle décapotable ?
Du grand art? Bravo !
Niurka Règle