Le mal de pierres
Le mal de pierres suivi de comme une funambule, Milena Agus, traduction de l’italien par Dominique Vittoz, édition Liana Levy
L’univers de Milena Agus puise dans sa Sardaigne natale des histoires où le personnage central est nimbé d’étrangeté.
Ici, la grand-mère de la narratrice semble poursuivie par un mal obscur. Il y a le mal réel, le mal de pierres, ces affreuses coliques néphrétiques sur lesquelles, d’ailleurs, on peut s’interroger, et il y a l’autre mal celui de ne pouvoir séduire aucun des jeunes hommes qui passent sous sa fenêtre.
Si belle, avec son lourd chignon, ses yeux immenses et personne pour la demander en mariage cette anomalie exacerba sa propre mère d’autant que la fille écrivait des lettres enflammées à aux hypothétiques prétendants. Ainsi, toute sa vie elle navigua entre divagations et crises suicidaires.
Elle finit par épouser un homme discret qu’elle n’aimait pas. L’homme sensuel et coureur de jupons fréquentait les maisons closes jusqu’au jour elle lui proposa pour économiser pour son tabac de jouer les rôles des femmes qu’il fréquentait. La cocasserie de la situation n’échappe pas au lecteur d’autant que cette femme l’exécutait sans honte et sans regret.
En réalité toute sa vie elle fut en quête de « connaître ‘amour qui est la choses la plus belle la seule qui vaille la peine qu’on vive ».
Au cours d’une cure qu’on lui a prescrite, elle fait la connaissance du « Rescapé », un marin fait prisonnier pendant la dernière guerre, blessé et amputé d’une jambe. La conversation avec l’homme cultivé et élégant enflamme son imagination et lorsqu’elle rentre en Sardaigne, elle se confie à son cahier noir tranché de rouge. Sa petite fille le découvrit après sa mort.
Un récit subtil où on se perd dans les méandres du mentir vrai. Les manipulations de l’auteure sont autant de ficelles tirées avec jubilation.
Fin, subtil, réjouissant où la traduction joue sans doute aussi son rôle. Un beau moment de lecture
Niurka Règle