Honoraires médicaux
Honoraires médicaux
Union des Familles Laïques
Paris le 25 novembre 2009
Monsieur Le Rédacteur en chef
Le secteur optionnel : un marché de dupe
Il y a quelques
semaines, dans le silence significatif d’une collusion d’intérêts
divers associés à une nouvelle remise en cause du droit à la santé,
deux organismes créés opportunément par la loi « Douste-Blazy »,
l’UNOCAM et l’UNCAM ont décidés d’ouvrir au sein de la convention
médicale, une nouvelle possibilité de dépasser les tarifs de
remboursement de l’Assurance Maladie : le secteur optionnel.
Cette remise en
cause supplémentaire de la notion de tarif opposable est présentée avec
une hypocrisie confondante et elle obtient la stupéfiante adhésion de
la plupart des acteurs sociaux sur lesquels les citoyens auraient dû
compter pour s’y opposer.
Le constat était
posé depuis longtemps par les malades obligés de renoncer aux soins,
surtout dans certaines régions. La Cour des Comptes, l’IGAS, la presse,
avaient authentifié les abus pratiqués par une proportion importante de
médecins démontrant des exigences financières indécentes et, surtout,
illégales.
On avait même
entendu quelques réactions « agacées » de responsables politiques
affirmant leur « volonté » de réguler les honoraires médicaux. Dans la
réalité toutes les mesures contraignantes qui figuraient dans le projet
de loi sur le financement de la Sécurité sociale ont disparues du texte
final et, en fin de compte, le gouvernement s’est esquivé derrière les
deux instances précitées pour mettre en œuvre une mesure d’un cynisme
extraordinaire.
Les malades se
plaignent des dépassements et bien, on va escamoter la notion de
dépassement… ! D’une façon limitée tout d’abord en fixant un cadre à
ces dépassements et en les autorisant pour une partie des praticiens.
Mais l’on sait par déduction et par expérience qu’il s’agit des
prémices d’une libération générale des honoraires médicaux réclamée par
la majorité des syndicats professionnels et encouragée par les pouvoirs
publics.
Lorsqu’on examine
la situation avec attention, le secteur optionnel qui devrait être
institué dans la prochaine convention médicale pourrait avoir les
effets suivants :
- Les anciens chefs
de clinique coincés dans le secteur 1 (respect - en principe - des
tarifs opposables) parce qu’ils s’y étaient inscrits avant le gel du
secteur 2 (en 1990) vont se voir proposer de dépasser les tarifs
conventionnels dans les limites de 50% desdits tarifs et 70% de leur
activité. Ils n’y perdront qu’une faible partie de la prise en charge
partielle de leurs cotisations sociales réglées par l’assurance
maladie. Leurs revenus peuvent donc substantiellement s’améliorer. Ils
n’ont plus aucune raison de rester dans le cadre strict des tarifs
conventionnels ce qui diminuera l’offre de soins respectant les tarifs
de remboursement.
- Les chirurgiens,
anesthésistes et gynécologues obstétriciens qui avaient optés pour le
secteur 2 et disposent donc actuellement du droit à dépassement se
voient proposer le secteur optionnel où ils pourront continuer à
dépasser les tarifs sous condition de les limiter à 50% et de consacrer
30% de leur activité aux tarifs conventionnels. Pour les séduire,
l’assurance maladie paiera une forte proportion de leurs cotisations
sociales, ce qui n’était pas le cas sous leur ancien statut.
Pour analyser la
probabilité de la migration des médecins de ces trois spécialités vers
le secteur optionnel, on peut utiliser le bilan réalisé par l’IGAS en
avril 2007. On observe dans la distribution par décile des taux de
dépassements des médecins du secteur 2 et 1+DP lors de l’exercice 2005
que pour les chirurgiens, dès le 6ème décile, les taux vont de 68% à
630% au 9ème. Pour les anesthésistes, les taux s’échelonnent de 56% à
419% entre le 6ème et le 9ème décile. Pour les gynécologues, le taux de
dépassement est à 58% dès le 4ème décile pour culminer à 319% au 9ème
décile.
On peut donc parier
que le secteur optionnel n’aura d’intérêt que pour une proportion
réduite des médecins qui, aujourd’hui, limitent leur dépassement en
deçà du plafond de 50% imposé dans le nouveau secteur. Ils y gagneront
la forte part de leurs cotisations sociales désormais prise en charge
par la Sécu. En outre, dans la mesure où l’on fixe un plafond pour les
dépassements, celui-ci devient un espace « autorisé ». Combien de temps
les médecins raisonnables qui fixaient leurs dépassements entre 20 et
30% des tarifs conventionnels résisteront-ils à atteindre le plafond de
50%... ?
Pour les autres qui
pratiquent aujourd’hui des dépassements supérieurs au plafond «
optionnel », le nouveau secteur de liberté tarifaire « conditionnelle »
comporte peu d’attraits. Quant à ceux qui infligent à leurs patients
des honoraires vertigineux dont le systématisme s’oppose à la notion de
« tact et mesure » imposée par la loi et la convention, aucune
disposition ne les obligera à refluer sur des prétentions indécentes
puisqu’il est fort probable que l’assurance maladie et le Conseil de
l’Ordre continueront à superbement ignorer leurs obligations en matière
de sanctions des irrégularités, notamment financières.
Dans ce marché de
dupe, puisque la volonté gouvernementale est bien de soumettre
progressivement la santé à la dure loi du marché, nos concitoyens sont
quadriplement dupés : 1) l’offre de soins disponible en secteur 1 va se
réduire. 2) Les honoraires médicaux vont s’éloigner un peu plus du
niveau de remboursement. 3) Les contrats d’assurance complémentaires
(les O.C. se sont engagés à couvrir les dépassements « optionnels »)
seront plus chers. 4) Le financement de la Sécu auquel ils participent
va se voir davantage ponctionné par l’augmentation du budget consacré
au paiement des cotisations sociales des médecins.
Les dépassements
tarifaires qui représentent plus de 6 Mds d’Euros (2,3 Mds pour les
médecins, 3,9 Mds pour les dentistes) et reposent principalement sur le
budget des ménages vont donc peser un peu plus sur la capacité de se
soigner.
Une telle réforme
avec ses conséquences sur ce qui constitue l’une des structures de
sécurité et d’harmonie de notre société - la crise économique ne
vient-elle pas de le démontrer ? - ne doit-elle pas être dénoncée par
les médias dont le rôle et la tradition devraient permettrent à nos
semblables de connaître, comprendre et réagir ?
Je vous propose de relever ce challenge.
PJ : article sur le secteur optionnel : cliquez ici
Raymond MARI
économiste de la Santé,
membre du secteur Santé Protection sociale de l'UFAL
06 10 48 41 99
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