Le Mapou (*) et le pied de tomate
mercredi 13 août 2008
par
Camille Loty Malebranche
Les besoins factices et excentriques de chacun sont tellement illimités dans le contexte d’une idéologie de définition de soi par la consommation au cœur d’une société où l’avoir fait l’être, qu’il n’y a pas assez pour les besoins réels de tous ! [1]
Par une belle journée d’été, un pied de tomate poussé aux orteils d’un mapou, contemplant le vert étendard des feuilles de son voisin, lui lance :
Pourquoi les petits, pourquoi l’injustice ?
Le mapou réfléchit en hochant perplexement la tête :
C’est la fausse vision de ce qu’on appelle grand qui affuble le monde et crée le mensonge de la petitesse où les bouffis affabulent.
Comme toi à mes pieds, observateur emmétrope, tu peux voir combien mon feuillage orgueilleux s’étend dans les airs et absorbe le soleil dans une pétillance d’éclat d’argent et de verdeur, et pourtant, jamais dans cette orgie naturelle, avant ta question, je n’ai compris que je gobais tous les soleils, le tien comme le mien en me réchauffant dans la douce chaleur de sa lumière qui, toujours, étreint mon écorce et caresse mes rameaux. Ainsi, mon petit frère, va le monde :
Le soleil se lève pour tous, mais les plus hauts l’accaparent ; et, comme les maigres rayons qui traversent les rares petites clairières de quelques-unes de mes branches dégarnies, les plus hauts jettent aux plus bas des miettes dérisoires, avec mépris, comme par pitié !
Camille Loty Malebranche
(*) Arbre géant de la flore haïtienne