Depuis, l’attente fait partie de moi

Je sais que cela s’est passé il y a longtemps tant le temps semble toujours s’étirer dans les moments douloureux

J’avais connu Oleg d’une façon vraiment incongrue. Allez, devinez un peu. Non impossible, vous ne trouverez pas. J’ai rencontré Oleg sur un manège. A Nantes, c’était.

Je faisais la brave mais j’étais terrorisée. Il y avait ce garçon à mes côtés. Ah !, la, la! Il m’a sauvée de la honte. Acte premier. Deuxième acte : il m’a invité au “café d’en face”, c’était le nom du café. Pour moi ce fut un citronnade à l’eau, je m’en souviens et du jaune terriblement citronné dans le miroitement de la lumière.
Acte 3 : il accepta de venir chez moi. Ainsi mon petit théâtre était pratiquement joué.

A partir de là, nous nagions dans le bonheur. Il se disait sans papier.  Pff...au diable les papiers, je lui disais. J’avais du travail, nous étions logés et il avait dégotté un emploi chez un compatriote qui tenait un resto sur le canal.

Les jours, les semaines, les mois sont passés dans un vertige qui nous laissait sans voix. Tout nous souriait. Nous nous arborions comme deux trophées au regard des autres.

On entendait des choses à la radio, des voisins nous disaient “soyez prudents”. Pff...tout allait bien et nous attendions un enfant.

Je me souviens du premier soir où Oleg n’est pas rentré. Je me souviens de la nuit. je me souviens de la nuit au silence glacé, bourdonnant du battement de mes tempes. Je me souviens de ma respiration gémissante.

Et puis, une seconde, une troisième nuit.

Je n’ai rien fait. Parce que je savais. Oleg ne reviendrait pas. Oleg a été pris dans la souricière. Se rendre à la police ? Inutile.

Voisins et amis m’interrogeaient. Je ne savais rien.

J’avais en tête des bribes de souvenirs, des choses entendues sur le justice ou l’injustice, selon le cas. Des mots futiles, vraiment.

De quoi Oleg était-il coupable ? D’avoir franchi l’interdit, une ligne frontalière qui partage le monde ? Avait-il tué, volé, meurtri, violé, assassiné, attenté à l’ordre public ?

Je connaissais toutes les réponses.

Et je n’ai rien dit, rien fait. je suis allée au travail. j’avais sabré le champagne pour fêter la future naissance. J’avais annoncé la “disparition”. Sans plus.

On m’encouragea. On me donna des conseils, des adresse. je n’en fis rien.

J’attendais.

Depuis, l’attente fait partie de moi. je suis l’attente statufiée. une attente pétrifiée au gros ventre anachronique.

Niurka Règle