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Pourquoi pas ? Le blog de Niurka R.
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23 juillet 2016

Riz noir

 

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Riz noir, Anna Moï - Gallimard

 

La scène inaugurale pose la tonalité générale du récit : au sein même de l’horreur, il y a une échappée vers la vie et la beauté du monde : «Au milieu de la nuit, j'ai fini par identifier la nature du bruit. Moins qu'un bruit, ce qu'on entend est un bruissement à peine perceptible, régulier, comme les échos d'un rêve. Mais ce n'est pas un rêve, puisque je ne dors pas.

(...) Combien d'entre nous l'ont écouté cette nuit-là, et ensuite, toutes les nuits, pendant cent nuits, trois cents nuits, ou mille trois cents nuits ?

(...) C'est ma première nuit dans une cage à tigres du bagne de Poulo Condor, et le bruit que j'entends est celui de l'océan Pacifique. 

Si le roman s’exprime à la première personne il y est question de l’enfance des deux soeurs Tao et Tan, jeunes filles qui suivirent leurs études au Lycée français de Saïgon, quoique d’origine modeste. Après les immolations par le feu de nombreux moines boudhistes entre les année 1963 et 1967, c’est la violence inouïe de la fête du Têt, en 1968, qui les fit s’engager dans la Résistance initiée par Hô Chi Minh dans le nord du pays. Les deux adolescentes sont arrêtés. Suite aux tortures qu’elles subissent en prison, elle seront conduites au bagne de Poulo Condor, crée par l’administration française un siècle auparavant. Dans les conditions effroyables des « cages à tigres », elles survivront, mobilisant leurs sens pour rester en lien avec un extérieur qu’elle ne peuvent percevoir que par les odeurs qui traversent la fenêtre grillagée, par les bruits venant de loin et le souvenir de leur enfance heureuse près de Van, leur mère qui leur avait fait entendre la voix de la révolte et du respect de soi :

« « Vous voyez, les filles... Il faut toujours aller chercher la différence. Soyez différentes, ne vous conformez pas, méprisez le confucianisme, allez le plus loin possible.».

Et la narratrice de préciser son sentiment : 

«Les Américains ont le rêve d'une plaine nue où toute végétation tropicale aura été annihilée. Sans flore, il n'y a plus de bêtes, ni hommes, ni ennemis.

Une longue plaine désolée où il n'existera nul abri pour se cacher, ni aujourd'hui, ni demain, ni aucun jour futur. Nul endroit où panser ses plaies, se coucher et fermer les paupières.

Ô mon amour, allonge-toi auprès de moi.

Les Américains ont des rêves de morne plaine. Je n'ai pas le même rêve. Dans mes rêves les rizières verdoient, les forêts sont impénétrables, les bêtes sont féroces et les fleurs carnivores.»

Dans ce court roman , tout est dit de manière sobre, délicate, distancée des souffrances endurées, des humiliations subies, de la mort qui plane dans ce lieu sinistre. Tout reste plein de douceur. C’est très beau.

Niurka Règle

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