La supplication de Pol Cruchten : mieux qu'un discours pour dénoncer le risque nucléaire
La Supplication, Pol Cruchten.
C’est à partir du livre de Svetlana Alexievitch, Tchernobyl, chronique du monde après le cataclysme que Pol Cruchten a réalisé ce film, une dizaine d’année après la parution du livre.
Le traitement cinématographique du texte est saisissant. Les personnages silencieux expriment le texte dit en voix off par le mouvement du regard et des corps avec une intensité dont l’intériorité est bouleversante. Quant aux images, elles ont la beauté de la violence infligée aux hommes et à la nature. Le passage de l’ombre à la lumière module tout le film, sans pour autant atténuer le propos, la lumière elle-même focalise l’horreur. Dans le couloir sombre où se déroula le crime, un journaliste cherche une réponse au drame, mais, aucun interlocuteur ne vient à sa rencontre. Il reste dans le noir indéchiffrable. Mais les enfants jouent, la nature reprend ses droits, laissant la mort, malgré tout, prospérer encore et encore et le spectateur reste rivé à la fulgurance des images pleines de retenues. Pol Cruchten évite de sombrer dans une posture jouant du spectaculaire pour faire « effet ».
L’irruption d’un cheval au galop est stupéfiante. La fougue de la jeunesse, son désir de survivre et de vivre est par la force de l’animal jeune et puissant une image éblouissante. qui donne un souffle nouveau au propos, offrant une respiration comme un gage de survie. Les collages lumineux et colorés, hommage discret donné à Paradjanov, recèle dans son étrangeté une forme de résistanceLe Choix opéré par Pol Cruchen du texte chroniqué de Svetlana Alexievna est un équilibre parfait des choses à dire.
Un film qui déjoue totalement la tentation du « spectaculaire » ou du film « archivé » et qui développe un récit cinématographique d’une intensité rare. Une retenue exemplaire et une approche poétique éblouissante.
Niurka Règle