Tais-toi et respire !

Tais-toi et respire ! Torture, prison et bras d’honneur – Hernando Calvo 0spina - Bruno Leprince éditions

J’ai rencontré l’auteur  au cours d’un récent voyage en Bolivie. Il nous accompagnait en tant que représentant du Monde Diplomatique.

Je ne savais pas que penser du personnage. Sympathique, certes, mais dans ses exubérances j’avais l’impression qu’il fuyait quelque chose, un personnage qui avançait masqué, en quelque sorte. J’ignorais son histoire. Et voici que ce livre me porte une véritable gifle.

Tout commence par une arrestation.  L’auteur, étudiant en journalisme a fui son pays, la Colombie, et vit actuellement à Quito, en Equateur. Il participe à la publication d’un journal de gauche, La Berraquera. La lutte contre le « terrorisme » bat son plein. Il tombe entre les mains de la police secrète de Quito. Les sévices subis au sein des locaux du SIC sont indescriptibles, avec un acharnement terrible pour obtenir des renseignements. Finalement, il sera transféré dans une prison du centre de la ville. Son ami et complice, Marino, fera partie du transfert.

Ici, c’est toujours l’enferment le rêve de liberté, le tourment pour les êtres chers laissés à l’extérieur. Mais, c’est aussi la découverte des laissés pour compte de la société, tous avec une histoire singulière. Si les tensions atteignent souvent les paroxysmes, des liens fraternels se nouent, des solidarités tissent leur toile. Et, dans une traduction qu’il faut saluer, Hernando Calvo Ospina dévide ses souvenirs dans une langue si naturelle et d’une limpidité si confondante qu’on la croirait tout droit sortie de sa bouche. Descriptions baroques, aux images extravagantes, pleines d’humour ou poétiques, et où la vie se déroule comme un roman aux accents cruels et souvent poignants. Mais, la force de l’amitié, l’implication politique vibrant comme une seconde peau, la sensibilité mise à nue comme une évidence, tout fait de ce récit un témoignage magnifique que l’on découvre parfois avec effroi mais où, sans pesanteur, la sève de la vie reprend ses droits dans le rire salvateur.

Et, finalement, nous faisons face à un récit totalement savoureux plongeant ses racines au sein d’une humanité en déroute mais toujours debout.. Ce petit miracle opère car les protagonistes n’abandonnent jamais, jamais.

Je n’ai qu’un mot de conclusion : respect pour l'homme, pour l'écrivain.

Niurka Règle