Le grand quoi
Le grand quoi, Dave Eggers –Gallimard
Ce long récit à l’écriture qui concentre la juste mesure entre le récit documentaire et la perception très personnelle du narrateur, tel qu’il a vécu le très long périple à travers une marche forcée à travers l’Afrique. Ce long récit, donc, se lit avec beaucoup d’intérêt car se détournant de toute pesanteur Dave Eggers a travaillé son texte de manière très vivante.
Un jeune soudanais a huit ans au début des événements. Plus tard, il raconte son histoire à l’auteur du livre qui la transcrit avec fidélité tout en imprimant au texte un ton très personnel.
Valentino Achak Deng est un soudanais réfugié aux Etats-Unis. Lorsque débute le récit, il est victime d’une agression dans son appartement. Ligoté et blessé, il conte son histoire à son jeune gardien qui ne peut l’entendre puisque la bouche de Valentino est scotchée. Mais nous nous qui sommes les lecteurs du livre nous assistons à l’incroyable vécu du garçon – un parmi d’autres - qui aura passé quinze ans à fuir son village, traversant des régions sauvages et désertique dans le plus grand dénuement, pourchassés par les militaires.
Mais, dans ce désastre, un pan d’humanité reste présent, des amitiés fortes se nouent, des solidarités, les premiers jeux érotiques, l’éveil à l’amour.
C’est dire que nous assistons à des scènes d’horreur difficiles à supporter, mais, aussi, à des moments drôles et émouvants. L’ensemble est porté par une écriture stimulante où l’humour souvent affleure de manière aussi naturelle que la part d’oralité qui fonde le texte.
A part le destin personnel de Valentino, on aborde de façon subtile les enjeux géopolitiques de cette guerre qui n’est pas que ethnique ou religieuse. Et, lorsqu’à la fin du roman on voit Valentino quitter l’Atlanta pour un ailleurs incertain, il peut sembler que la fuite marque son destin même si, cette fois, elle est plus apaisée, car le désir du retour au Soudan est, à présent, ce qui stimule son désir.
Sans doute est-ce le « Grand quoi » auquel que Valentino peut à présent nommer.
Beau roman, foisonnant, terrible, et, cependant, optimiste.
Niurka Règle