Le maître de l’oubli
Le maître de l’oubli, Michel Arbatz éditions Le Temps qu’il fait.
Une double biographie croisée, celle de Mochi naturalisé Maurice et celle de son fils Michel, le narrateur.
Le récit commence en fin de vie du père, lorsque la mémoire se perd dans les méandres d’une vie, celle du vieux militant communiste venu de sa Tunisie natale grossir le peuple ouvrier de France, sans pour autant renoncer à ses convictions, malgré les désertions de nombre de ses amis.
Le fils, évidemment, prendra un autre chemin. Nous approchons de 68. Auparavant, Michel a lu « La question » et la guerre d’Algérie n’est pas encore finie.
Entre le père et le fils, pour l’un et pour l’autre, deux renégats à la « Cause » se faisaient face et si Mochi restait fidèle au communisme réel, Michel rêvait d’un communisme à venir. Aussi, devient-il ouvrier quelque part du côté de Brière. Il rencontre Moline, l’activiste révoltée. Sabotages, tracts ravageurs. C’est l’éblouissement de l’action utopique. Cette aventure au sein de la « classe ouvrière » se termine par une condamnation ferme et le désamour de Moline.
Mais, sans doute, le thème central, est le magnifique hommage au père, au miroir donné au fils de l’approche de la mort après celle de la déraison. A travers l’histoire d’un double désenchantement c’est aussi le filtre si délicatement décrit entre mémoire oubli et ce de qui reste, finalement, de la vie pour aborder la mort.
Le style de Michel Arbatz est tendu par l’urgence de se souvenir et de dire quelque chose des moments partagés ce qui donne des fulgurances d’une grande beauté verbale.
Superbes tranches de vie, regard sur le monde, introspection distancée, font de ce beau récit, non dénué d’humour, un kaléidoscope intimiste et social très réjouissant.
Niurka Règle