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12 juillet 2011

Le mystère de la chambre forte

de Jean-Marie Harribey, le 12 juillet 2011

Depuis que la crise financière sévit et que les dettes publiques ont explosé, beaucoup s’interrogent sur les questions monétaires et financières, et notamment sur la création monétaire par le système bancaire. D’où sort l’argent ? Y a-t-il un coffre secret enfermé dans une chambre forte dans lequel puise la banque centrale ? Ou bien une baguette magique faisant jaillir l’argent à profusion dont se délecte la spéculation ? Ou bien encore la richesse est-elle détournée ? La réponse est au terme d’une enquête policière qui, soyez-en sûr, vous fera passer l’été. Cette enquête figure en épilogue du livre d’Attac, Le piège de la dette publique, Comment s’en sortir, Les Liens qui libèrent, 2011, que nous reproduisons ici avec l’aimable autorisation de l’éditeur : Le mystère de la chambre forte. Une invitation aussi à lire tout le livre.

Le mystère de la chambre forte
Gaston Leblanc
in Attac, Le piège de la dette publique, Comment s’en sortir ?, Paris, Les Liens qui libèrent, 2011, p. 161-188
La chambre forte

Les bureaux et les couloirs de la Central Bank étaient déserts. À cette heure tardive, seules deux lumières brillaient encore. Au premier sous-sol, dans la salle des écrans de surveillance, le chef du service de sécurité, M. SecuritMan, fixait l’écran de son ordinateur et faisait défiler tous les points névralgiques de la banque : les accès, portes et fenêtres, la salle des coffres individuels, le coffre central, les principaux bureaux et salles de réunions, le hall d’entrée et d’accueil ainsi que la salle des guichets et le parking souterrain. Un logiciel particulier lui permettait de vérifier chaque endroit ou installation sensibles, grâce à un système très technique de caméras et micros dans les murs, les sols et les plafonds. Il pouvait commander les opérations manuellement mais, de toute façon, un balayage de vérifications s’opérait automatiquement toutes les cinq minutes, ajouté aux vérifications déclenchées aléatoirement.
Trois étages au-dessus, le gouverneur de la Central Bank travaillait encore dans son bureau au style Louis-Philippe, comme il sied dans une institution certes née sous le Consulat mais à laquelle la Restauration, dans une société qui s’embourgeoisait à grands pas, avait donné un peu plus tard ses lettres de noblesse. M. Tricker parapha plusieurs documents, puis il se leva, s’habilla et sortit, après avoir refermé la porte avec précaution. Il dédaigna l’ascenseur et descendit à pied. Il salua le chef de la sécurité : « Bonsoir SecuritMan, soyez tranquille, j’emporte tout », lui dit-il en lui montrant son porte-document qui paraissait bien léger. SecuritMan inclina la tête en souriant car il avait l’habitude de cette facétie qui se voulait rassurante.
Le gouverneur franchit la porte et, en bas du perron, son chauffeur l’attendait qui démarra la Mercedes aussitôt. L’allure grimpa très vite en direction de quelque résidence luxueuse dont le nom ne peut être dévoilé, au regard de la qualité et des responsabilités de l’habitant. M. Tricker serra contre lui sa serviette de cuir qui contenait en tout et pour tout quelques feuillets et une clé USB de grande capacité. Il plissa les yeux en repensant à SecuritMan : sans doute celui-ci croyait-il, comme la plupart des gens, que la banque possédait un trésor bien cadenassé au fond du coffre central, et que là était la raison d’une surveillance permanente et renforcée.
En fait, il n’en était rien : le gouverneur emportait chaque soir tout ce qu’il fallait savoir de la banque sur sa clé USB. Étaient ainsi numérisés l’état du stock de devises étrangères, les comptes de toutes les banques ordinaires sur lesquelles la Central Bank avait autorité, le compte du Trésor public et les comptes des autres institutions financières qui y étaient enregistrées. Sur la clé figurait également le déroulé de toutes les interventions passées de la Central Bank sur le marché interbancaire et les prévisions d’interventions futures qui n’avaient encore été dévoilées. Cette miniaturisation des informations reflétait la forme moderne de la monnaie : celle-ci n’était plus métallique, ni même pour l’essentiel fiduciaire sous forme de billets, elle était scripturale, c’est-à-dire qu’avoirs et passifs, créances et dettes étaient écrits sur des comptes, les virements et paiements étant effectués par des écritures sur ces comptes. On pouvait forcer la sécurité de la banque et la cambrioler, on ne trouverait que des broutilles ; tout était sur la clé USB du boss, et les ordinateurs laissés sur place étaient cryptés.
Le seul souci du gouverneur était que même ses propres cadres comprenaient difficilement leur métier de régulateur monétaire. Si on les avait laissés faire, ils auraient, comme leurs collègues des banques ordinaires, passé leurs journées à jouer au « petit kerviel », c’était le nom qu’on avait donné au jeu qui se déroulait au front office dans les salles de marché : plus spéculateur que moi, tu meurs. M. Tricker réfléchissait donc au moyen de faire rentrer dans leurs crânes d’œuf formés dans quelque école polytechnique des rudiments sur la création monétaire. Lui-même avait toujours un peu de mal à en exposer le principe. La dernière fois qu’il avait tenté de le faire, c’était devant le Président de la République qui, dressé sur ses ergots, promettait avec force moulinets de bras de ramener le capitalisme à la raison. Le gouverneur se promit de convoquer un brainstorming sur ce sujet.
                                                                       * **

 

Le mystère de la chambre forte

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