Médias et classes populaires,
Publié le 29 novembre 2010 par Henri Maler
Présentation du livre de Vincent Goulet, Médias et classes populaires. Les usages ordinaires des informations (préface de Patrick Champagne), INA éditions, septembre 2010, 339 p., 20 euros.
Quel est le « pouvoir des médias » ? Ainsi posée la question se transforme trop souvent en faux problème, du moins quand on prête aux médias un « pouvoir » (analogue à celui d’une plante médicinale) dont ils seraient spécifiquement dotés ; un « pouvoir » mécaniquement attribué aux messages qu’ils diffusent et que les récepteurs subiraient passivement ; un « pouvoir » qui s’exercerait indépendamment de tout autre rapport de domination sur des publics non seulement passifs, mais socialement indifférenciés. De longue date les études et les sociologies les plus diverses – notamment les sociologies de la réception - ont permis de récuser de tels schémas qui ne cessent pourtant de hanter les critiques quotidiennes des médias [1].
L’ouvrage de Vincent Goulet apporte, précisément, une contribution d’une rare richesse à la sociologie de la réception qui inverse le questionnement banal en s’interrogeant, non pas sur ce que les médias font aux publics, mais sur ce que les publics – en l’occurrence les classes populaires – en font et, par là, font aux médias : quels usages ces classes populaires font-elles particulièrement des informations, mais aussi comment ces usages, par une sorte d’action en retour, contribuent-ils pour une part à produire ces informations ?
Pour l’essentiel (mais pas seulement), l’enquête de Vincent Goulet repose sur des observations recueillies et des entretiens réalisés dans un quartier populaire de la banlieue bordelaise où l’auteur a séjourné pendant trois ans. Il s’agit donc d’une enquête ethnographique, fine et détaillée, qui prend à revers les affirmations massives souvent soutenues par le recours abusif à des sondages d’opinion.
On se bornera ici à résumer les principaux résultats de cette enquête
pour inciter à la lire avant de la discuter : la lire car ce résumé
assèche inévitablement le travail de Vincent Goulet qui vaut précisément
par la multiplicité et la qualité des observations concrètes et des
entretiens particuliers, effectués dans les situations les plus
diverses.
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I. La première partie (I. « Sociabilités populaires et circulations des informations »)
s’ouvre sur un chapitre consacré à l’objet et au terrain de l’enquête
(chap. 1 : « À la recherche du public populaire »), qui permet notamment
à l’auteur de préciser ce qu’il entend par « populaire » et à
différencier (en les mettant au pluriel) les notions de « réception » et
de « public ».
Pour lire la suite : http://www.acrimed.org/article3489.html#nb2