Lulu une tragédie-monstre

Lorsque nous montons à Paris, il est d’usage de nous rendre au théâtre. Mais, cette fois, nous n’avions rien prévu. Alors, le théâtre de la Colline ? Pourquoi pas ? Et nous sommes tombés sur Lulu  une tragédie monstre de Franck Wedekind avec une mise en scène de Stéphane Braunscweig.

Dès la scène inaugurale, j’ai senti que je serai face à une oeuvre forte, violente et dérangeante. Et ce fut bien ainsi tout le long du spectacle où nous assistons à une lutte à la vie à la mort où les personnages se débattent englués dans leurs fantasmes et où l’éros attise son œuvre dévastatrice.

Ce qui se joue, ici, c’est le théâtre de la passion, de la pulsion sauvage, désordonnée entre jouissance et répulsion. Le jeu théâtral lui-même joue sur le fil du rasoir, mais la pièce est mise en œuvre de manière magistrale et maîtrisée de bout en bout..

Le sujet, par lui-même serait presque trivial : Lulu (prononcez Loulou) une très jeunes femme, juste sortie de l’adolescence, belle, sensuelle, voulant vivre l’instant présent quitte à se brûler les ailes. Lulu, donc, séduit, provoque puis, quitte les hommes laissant la mort glaner ses victimes.

Lulu a tout connu, inceste, pédophilie, prostitution…pourtant, elle revendique avec la fougue de la jeunesse la totale liberté d’user de son sexe, de s’offrir avide d’expériences. Elle porte son désir de jouissance dans la démesure et plonge finalement dans  la mort.

Chloé Réjon, en Lulu, est magnifique et tous les acteurs interviennent de façon remarquable. Et que dire de la mise en scène qui par le biais d’un plateau tournant, tel le manège de la cruauté, souvent au bord du grotesque, marque le jeu épouvantable de la tragédie humaine. La présence du tableau de Lulu en clown blanc, peint par son second mari, tout le long de la parade accompagnera le modèle jusqu’à sa décomposition finale quand Jacques l’éventreur interviendra  pour placer le sexe de Lulu dans un bocal.

Tout le long de la représentation, nous restons cloués à notre siège, malgré le sourire qui naît, de temps en temps,  au vu de situations distancées et grotesques.

Quelle audace et quel théâtre !

Niurka Règle