Beaux seins Belles fesses...
Beaux seins Belles fesses, les enfants de la
famille Shangguan, Mo Yan –Seuil
Traduit du chinois par Noël et Liliane Dutrait.
Un roman, non seulement surprennent, mais un roman
magnifique.
Des décennies de l’histoire de la Chine sont évoquées
ici et ce d’une manière si inattendue que l’on en reste tout ébahi tant l’art
consommé des effets de surprise donne à l’ensemble de ce gros roman un
caractère si singulier.
Tout débute pendant la guerre sino-japonaise Et
tout débute par une triple naissance : une ânesse et deux jumeaux, une
fille et un garçon. Pensez, donc, un garçon, alors que Shangguan Lushi avait
donné jusque là naissance à huit
filles !
Et c’est justement sous le regard de Gintong, l’Enfant
d’Or, que nous assistons à l’immense fresque de l’histoire de la société
chinoise.
Cet enfant, dont le regard lucide est fasciné par
les seins et en tout premier lieu par les seins de sa mère. Sa vision érotico
poétique se porte aussi sur les fesses des femmes et les scènes présentées ont
une truculence rabelaisienne.
Gintong est donc entouré de ses sœurs. huit femmes, et quelles femmes ! L’enfant
porte sur celles-ci un regard fait d’étonnement, de curiosité et de tendresse.
A côté de la famille tiraillée par les événements,
chacun prendra parti et c’est tout un petit peuple qui est décrit avec son
courage, sa débrouillardise, ses faiblesses, ses révoltes, ses cruautés et ses
solidarités. Le poids des traditions, le mélange des cultes, la venue
progressive de la modernité, font de cette fresque un témoignage extraordinaire. Témoins du passage
d’une époque quasi féodale, à la période communiste, puis glissant vers la
société de marché, nous sommes surpris par la capacité du peuple à s’adapter et
à puiser dans les bouleversements de l’Histoire une manière de vivre et de
penser.
Mais, ce qui emporte l’adhésion du lecteur c’est
bien l’écriture de Mo Yan. Tout d’abord une certaine distance et même temps une
réelle empathie pour ses personnages, un regard, souvent amusé, qui évite le
réalisme froid et clinique. Et puis, une langue pleine de poésie avec ses
métaphores surprenantes qui puisent dans la nature ses descriptions d’une
étrange sensualité.
Je ne vous le cache pas, le volume est épais. Il
faut le boire à petite gorgée, comme le fait Gintong du lait de sa mère.
Superbe.
Niurka Règle