Frédéric Mitterrand et le pouvoir des riches
08.10.2009
http://science21.blogs.courrierinternational.com/
Le 8 octobre, la polémique se poursuit autour du livre de Frédéric Mitterrand « La mauvaise vie ». Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, a estimé que l'affaire n'a pas raison d'être, car « il n'y pas de faits », ni de « plaintes» (L'Express / Reuters). Benoit Hamon, porte-parole du Parti Socialiste, avait trouvé « choquant qu'un homme puisse justifier, à l'abri d'un récit littéraire, le tourisme sexuel» (20 minutes). Dans Rue 89, Zineb Dryef écrit : « les "gosses" ne sont pas des enfants, mais des étudiants ». Serait-ce donc normal que des jeunes soient obligés de se prostituer pour payer leurs études, et que des riches en profitent ? Alors
que la privatisation des universités et la restriction de l'accès aux
universités publiques se développent dans les pays occidentaux, on peut
pour le moins s'interroger sur le prétendu « modèle de société » que
l'on cherche à nous imposer depuis trois décennies. Un « modèle » pensé par et pour les riches, et dont les « petits citoyens » font
les frais de plus en plus durement. Quel avenir attend les jeunes dans
la société marchande et déréglementée du XXI siècle ?
Le débat autour du livre « La mauvaise vie », publié par Frédéric Mitterrand en 2005 et que le monde politique connaissait depuis longtemps, porte-t-il vraiment sur une « affaire de mœurs » de l'actuel gouvernement ?
A y regarder de près, le contenu social de l'affaire, que le débat médiatique tend à escamoter, paraît bien plus important.
La mise en cause de l'accès des jeunes à l'université devient un phénomène général dans l'Union Européenne comme dans les Etats-Unis, malgré les promesses électorales de Barack Obama et d'autres dirigeants de ces pays.
Ce n'est qu'un aspect de la détresse croissante que le système inflige aux jeunes générations.
Dans un article de Josh Keller intitulé : « At Transfer Time in California, Thousands of Students Hit a Dead End » :
The Chronicle of Higher Education dresse un inquiétant tableau de la situation dans le « riche » Etat de Californie.
Au même moment, une pétition intitulée « Save the University of California ! » constate notamment :
« Public universities around the world are in crisis, as the global economic meltdown of 2008 has reinforced a disinvestment in higher education and research. »
(fin de citation)
On pourrait ajouter à ce constat que les financements destinés à la recherche dans un pays comme la France sont de plus en plus ouvertement destinés au secteur privé, et que l'université publique subit un processus de privatisation destiné à en faire une université pour riches.
A propos de l'affaire de Frédéric Mitterrand, Zineb Dryef écrit également dans Rue 89 : « Frédéric Mitterrand a donc bien été un touriste sexuel parmi d'autres à Bangkok ».
Le livre n'avait fait aucune vague au moment de sa parution, comme en témoigne le commentaire du Nouvel Observateur de l'époque, intitulé « Frédéric et les garçons » :
http://bibliobs.nouvelobs.com/20080604/5421/frederic-et-l...
Mais
n'y a-t-il pas, tout compte fait, dans l'actuel débat une inquiétante
banalisation de la déterioration accélérée des conditions de vie des
jeunes générations ? Avec un développement, sans précédent dans
l'après-guerre, des inégalités croissantes entre les jeunes réputés «
de bonne famille » et la grande majorité.
Des inégalités dont, précisément, les riches profitent par tous les moyens à leur portée. Le « tourisme sexuel » n'est qu'un triste exemple. Jusqu'où ira l'actuel processus de destruction sociale ?
Indépendance des Chercheurs