Loi sur les jeux en ligne
vendredi 16 octobre 2009, par Marie Bénilde
L’Assemblée nationale a voté le 13 octobre la loi légalisant le poker en ligne ainsi que les paris sportifs et hippiques sur Internet. Facteur d’addiction pour les plus vulnérables, menace pour la santé publique, les jeux d’argent en ligne toucherait 5% de la population française dans sa forme illégale, soit cinq fois plus qu’il y a cinq ans. Pour l’entrée en vigueur de la loi, en 2010, le renfort de médias alliés à des opérateurs de paris ainsi qu’une abondante communication publicitaire risquent d’amplifier la dépendance de catégories entières de la population à ce nouvel opium du peuple.
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C’était le 6 mai 2007, au Fouquet’s. Pour célébrer la victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, Bernard Arnault, Stéphane Courbit, Martin Bouygues, François Pinault, Patrick Le Lay et bien sûr Dominique Desseigne, le président du groupe de casinos Lucien Barrière et propriétaire du Fouquet’s, sont réunis au restaurant de l’avenue des Champs Elysées. Tous ces industriels ou hommes d’affaires peuvent se vanter d’avoir parié sur la bonne casaque. Car, depuis que leur poulain a franchi la ligne d’arrivée, ils sont sur le point de récupérer leur mise avec la loi libéralisant le secteur des jeux en ligne. Tous sont en effet aujourd’hui impliqués dans les différents projets de sociétés de paris sportifs ou hippiques sur Internet qui, dès l’ouverture de la Coupe du monde de football, en juin 2010, seront opérationnelles sur le territoire français.
La loi, votée le 13 octobre à l’Assemblée nationale par 302 voix contre 206, a été approuvée par l’UMP et le Nouveau centre, mais n’en reste pas moins très critiquée à gauche qui espère qu’une prise de conscience de ses effets pervers finira par gagner les rangs du Sénat, lors de l’examen du texte en novembre. Qualifiée au Parti socialiste de « promesse faite par le président de la République à ses amis du Fouquet’s », elle voit se dresser aujourd’hui devant elle nombre de points d’achoppement qui sont susceptibles d’en faire un véritable scandale républicain.
Le premier d’entre eux est d’abord d’ordre médical. Le gouvernement justifie sa loi par la présence de 25 000 sites illégaux dans le monde et la nécessité de « protéger les consommateurs en les amenant à jouer sur des sites légalisés qui, de ce fait, seront contrôlés et encadrés ». Remarquons d’abord que cet argument, qui vaut pour les jeux, n’est pas valide pour d’autres types d’addiction comme la drogue ou la prostitution. Va-on légaliser les commerces de marijuana ou rouvrir les maisons closes au prétexte que cela permettrait à l’Etat d’exercer un contrôle sur ces entreprises et, même, de les soumettre à l’impôt ?
En réalité, le gouvernement ne semble absolument pas avoir pris la mesure de la menace qui pèse sur les plus fragiles des joueurs. Car la légalisation de l’offre de jeux en ligne — au moyen d’une Autorité de régulation qui se prépare à autoriser une centaine d’opérateurs — ne risque pas seulement d’étendre le nombre de parieurs sur Internet (ils représentent actuellement 5% de la population pour une mise évaluée à 3 milliards d’euros). Elle risque aussi d’inciter des joueurs qui n’auraient pas nécessairement de comportements addictifs au départ à s’enfermer dans une sorte d’enfer ludique dont Internet et les médias seront les relais incessants.
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