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Pourquoi pas ? Le blog de Niurka R.
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15 mars 2009

Valérie Pécresse, une héritière au service des héritiers.


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La Fondation Copernic reproduit ici le cours du département de sociologie de Paris VIII Vincennes- Saint Denis, effectué le vendredi 20 février 2009, devant l’ENA. Dans cette seconde partie, les origines sociales de la vision du monde au principe de la réforme Pécresse des universités, se trouvent singulièrement éclairées.



On peut légitimement s’interroger sur les motivations des promoteurs de ces réformes. Et nous souhaitons pour conclure nous intéresser au cas de Valérie Pécresse en faisant l’hypothèse - sociologiquement somme toute très banale - que sa vision de l’enseignement supérieur, comme de la recherche, s’explique entre autre par sa trajectoire sociale et scolaire. Et que cette vision est sans doute aussi la plus conforme aux intérêts de son milieu. Alors le collectif Papera, qui est un collectif de lutte contre la précarité, a eu la bonne idée de faire la biographie de Valérie Pécresse, comme des membres de son cabinet, laquelle est  reproduite sur son site internet (http://www.collectif-papera.org).

Valérie Pécresse est donc née en 1967 à Neuilly sur Seine. Cette ville, où sont concentrées nombre de grosses fortunes et dont Nicolas Sarkozy a été le maire, est l’antithèse à peu près parfaite de St Denis.
Son père, Dominique Roux, est professeur d’université. Alors rassurez-vous, pas à Paris VIII-St Denis ! Mais à Dauphine, HEC et Science Po, soit dans des établissements haut de gamme et au public très sélectionné. Fait intéressant, on note aussi qu’il enseigne l’économie et la gestion, soit deux disciplines en pleine expansion dans l’université française et qui fournissent nombre d’arguments et méthodes aux réformateurs. Ce qui au passage permet de souligner que les réformes en cours ne nous sont pas qu’imposées du dehors. Mais qu’elles sont aussi préparées en interne par une fraction du corps académique.

De ce point de vue l’évolution du recrutement disciplinaire, tout comme le positionnement politique de la conférence des présidents d’université, sont instructifs.
Mais revenons-en au papa de Valérie Pécresse. Non seulement celui-ci est professeur d’économie-gestion dans les établissements chics, du public comme du privé de la capitale, mais il est aussi membre du Cercle des économistes, administrateur de Radio France Outre Mer, président depuis 2007 de Bolloré télécom (qui contrôle entre autre le journal gratuit Direct soir diffusé dans le métro, la chaîne de télévision Direct 8 et l’agence de publicité Havas), administrateur de la société Omercis spécialisée dans l’envoi massif de courrier électronique, etc. Bref, c’est un parfait exemple d’universitaire entrepreneur, ou d’entrepreneur universitaire, le modèle même de ce que les réformes actuelles voudraient que nous devenions, afin notamment de renflouer les caisses - volontairement toujours plus vides pour cause de plan d’ajustement structurel qui ne dit pas son nom - des universités comme du CNRS.

Quant à la mère de Valérie Pécresse, après des études de lettres, elle est passée par Sciences Po Paris. Enfin, signalons que son grand père maternel fut longtemps le médecin de famille de la famille Chirac, ce qui facilitera considérablement sa carrière politique et qu’il enseignait aussi la médecine à l’université.

Economie, gestion, médecine, IEP de Paris…, on voit que les accointances académiques familiales de Valérie Pécresse ne sont pas anodines et sans doute contribuent-elles à expliquer sa vision de l’enseignement supérieur. Valérie Pécresse, qui se présente aussi comme une « catholique pratiquante », est donc une héritière dans tous les sens du terme. Ceci s’observe notamment dans la célérité de sa trajectoire, tant scolaire que politique. Car comme le dit un journaliste de LCI, c’est « une femme qui va très vite. » Elle sait lire dès l’âge de 4 ans, ce qui lui permet de sauter deux classes. Après avoir étudié au collège Sainte Marie de Neuilly et obtenu son Baccalauréat à l’âge de 16 ans, elle entre dans une classe préparatoire versaillaise au lycée privé Sainte Geneviève et intègre HEC, dont elle sort diplômée en 1988. Elle poursuit ensuite ses études avec un DESS de droit, ainsi qu’un DEA de fiscalité financière. Enfin, et après avoir passé le concours « en cachette », elle sort deuxième de l’ENA en 1992 et entre au conseil d’Etat en tant qu’auditrice. Elle quitte ensuite la fonction publique pour entrer en politique  et en 2002, soit à l’âge de 35 ans. Elle est élue députée des Yvelines et devient porte parole de l’UMP à 37 ans.

Une si belle trajectoire ne pouvait que se conclure par un beau mariage, parfaitement homogame. En effet son mari Jérome Pécresse, qu’elle épouse en 1994 et avec lequel elle aura trois enfants, est versaillais, polytechnicien et ingénieur du corps des Ponts et Chaussées. Après différents postes de responsabilité au sein du Crédit Suisse First Boston, il est devenu directeur général adjoint et membre du comité exécutif d’Imerys, le numéro un mondial des minéraux de spécialité (3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaire).

En fait, quand on connaît un peu le milieu et la trajectoire de Valérie Pécresse, on comprend mieux pourquoi elle veut à toute force aligner les universités et le CNRS sur le modèle - aujourd’hui présenté comme humainement indépassable - de l’entreprise et pourquoi la distinction entre public et privé est si ténu pour elle. Au point même de vouloir transformer chaque université, chaque laboratoire en entreprise, et chaque universitaire, chaque chercheur en entrepreneur ; tout en plaçant à leur tête un autocrate sachant communiquer et disposant à son gré d’un personnel de plus en plus précarisé. Si bien qu’au final, on peut se demander si la politique de Valérie Pécresse n’est pas celle qui est la plus conforme aux intérêts de son milieu, de sa classe sociale. Sans doute cette proposition risque d’apparaître comme un peu trop vulgaire, un peu trop marxiste ou terre à terre. Mais à tout prendre, on peut se demander si elle n’a pas un fond de vérité…

Pour finir, ajoutons un petit complément à cette biographie, qu’il faudrait pouvoir compléter afin de mieux comprendre le sens des réformes en cours et surtout leurs conditions sociales, politiques, intellectuelles, etc., de possibilité. En effet, Valérie Pécresse intègre l’ENA en 1990 en faisant partie - ça ne s’invente pas, la réalité est souvent plus imaginative que la fiction - de la promotion Condorcet... De ce philosophe des Lumières mort sur l’échafaud et qui à la différence de Valérie Pécresse était un laïc militant qui se battra notamment pour le progrès par l’éducation, on peut rappeler une formule particulièrement d’actualité. Voilà ce que disait Condorcet, qui était pourtant d’origine noble : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté ni justice dans une société où l’égalité n’est pas réelle. » (1793)

Pour notre part, si nous avons tenu à faire ce cours en face de l’ENA, c’est notamment pour rappeler cette exigence d’égalité à ceux qui nous gouvernent. Espérons qu’ils finiront par nous entendre !

Annexes.



1) Dans son premier Rapport d’étape de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) de décembre 2008, que le mouvement Sauvons l’université a eu la bonne idée de mettre sur son site, on apprend que concernant l’université et le monde de la recherche, les objectifs du ministère sont les suivants : « accompagner au mieux les universités vers l’autonomie et la culture de la performance dans le cadre de la mise en oeuvre de la LRU », « Augmenter les activités qui génèrent des ressources complémentaires pour les universités », «modulation de service complète des enseignants-chercheurs », « mobilisation des chercheurs non publiant », « Mise en place d’un financement budgétaire des universités fondé sur la performance. », « Augmentation progressive de la part de financement sur projet pour la recherche », « Financement effectif des unités de recherche sur leurs performances, y compris pour le financement récurrent », etc. Mais ce processus de « colonisation managériale » comme dit Chris Lorenz n’affecte pas que l’université et le CNRS. Et aujourd’hui, c’est toute la fonction publique qui passe sous les fourches caudines de la RGPP et du nouveau management public abondamment enseigné dans les petites et grandes écoles de commerce ou autres.

2)  Concernant la sectorisation des étudiants et ses effets sur le recrutement de Paris VIII, voir : « Retour sur les conditions d’accès à l’université », Thibault Cizeau et Brice Le Gall, Mouvements, n°55/56, septembre 2008. Dans ce même numéro, voir aussi l’article particulièrement informé et synthétique de Vanessa Pinto intitulé : « « Démocratisation » et « professionnalisation » de l’enseignement supérieur ».

3) Se reporter en permanence au travail très utile du collectif PAPERA : http://www.collectif-papera.org

4)  Concernant le renversement du rapport de forces entre facultés, disciplines dans l’université française, voir : Brice le Gall, Charles Soulié, « Massification, professionnalisation, et réforme du gouvernement des universités : une actualisation du conflit des facultés en France », in Christophe Charle et Charles Soulié, Les ravages de la « modernisation » universitaire en Europe, Syllepse, 2007.

5) Sur le rapport de V.Pécresse à son engagement et au catholicisme, elle déclare : « Je suis catholique pratiquante. Mon catholicisme est sûrement à la racine de mon engagement politique. », Cf. Le Nouvel économiste, 19 novembre 2004.

6) Selon la biographie rédigée par le collectif Papera, qui s’appuie notamment sur une interview réalisée par Daniel Schick le 30 décembre 2008 et diffusée sur France Info le 8 janvier 2009 en trois parties, Valérie Pécresse aurait «  passé le concours d’entrée de l’ENA  « en cachette » par « peur d’être dissuadée » par son entourage qui est plutôt à penser que « l’Etat c’est nul » et qu’elle ferait mieux de s’orienter vers la Banque et les finances. »


PS : La découpe du cours et le titre du passage retenu sont de la responsabilité de la Fondation Copernic.



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